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Depuis un peu plus d’un an, Charline est inscrite dans une agence spécialisée dans le mannequinat pour enfants. Je me suis dit que ça pourrait intéresser des parents d’avoir un retour sur cette petite expérience, pour savoir comment ça fonctionne.
Pour commencer, je vais expliquer comment on a décidé de se lancer là dedans. Je parlerai aussi des aspects pratiques, financiers, et de la loi.
Personnellement, je crois que l’envie de devenir petit mannequin doit principalement venir de l’enfant. Il faut que ça soit avant tout un plaisir pour lui.
Vers 5 ans, on avait remarqué que Charline adorait les photos et s’amusait toujours beaucoup devant notre objectif et celui des amis. Elle aimait se mettre en scène, se déguiser, faire l’actrice… Et je me suis dit “tiens, pourquoi pas ?”.
Prudente, j’ai commencé par me renseigner. les conseils que m’a donné Christian Scherrer m’ont vite rassurés : apparemment, c’était très encadré et si on choisissait une agence sérieuse, c’était un jeu pour les enfants.
Je me suis donc mise à la recherche des agences les plus sérieuses et réputées près d’où nous habitons. J’en ai retenu trois, celles qui avaient les meilleurs avis.
Ensuite, j’ai rempli leur formulaire en ligne, tout simplement. Il faut envoyer des infos basiques et quelques enseignements comme la taille, l’âge, la couleur des yeux… Et leur fournir quelques photos de l’enfant. Une des agences m’a contacté dans la journée et m’a proposé un RDV. La seconde m’a appelée quelques jours plus tard, mais comme j’avais déjà un RDV avec la première, je ne voulais pas multiplier les contacts et on n’a pas donné suite. La troisième m’a répondu que notre enfant ne correspondait pas à leurs critères de recrutement actuels.
Je pense que le choix de l’agence est très important.
Quand on a inscrit Charline, dés le premier RDV c’est à elle que la bookeuse s’est adressée : elle voulait savoir si Charline était d’accord, si ça lui plaisait, si ça l’intéressait.
L’agence nous a fait signer un contrat d’exclusivité, mais on est en réalité libre de le résilier dès qu’on le souhaite.
Ils insistent bien sur le fait que l’enfant doit toujours être motivé pour se rendre à un casting ou un tournage : s’il y est forcé, ça ne marchera pas, Ce n’est pas ce que l’agence souhaite. Ils veulent que leurs petits mannequins s’amusent, ça ne doit jamais être une obligation.
Après une année auprès d’eux, je trouve l’agence de Charline vraiment chouette : ils me contactent par mail ou téléphone et proposent les castings en demandant si l’enfant est partant, et si ça nous convient. On n’est jamais obligé. J’ai toujours mes contacts avec les trois mêmes personnes, et ils connaissent bien les enfants : si j’appelle en disant que je suis la maman de Charline, on sait immédiatement qui je suis, et l’équipe connait son dossier par coeur (âge, personnalité…). Les enfants ne sont donc pas des numéros.
Ils sont aussi très attentifs aux retours à propos des castings ou des tournages : si on rencontre un souci, ils prennent à coeur de le régler au mieux et d’exprimer éventuellement leur mécontentement au responsable de casting. Mais il est très rare qu’il y ait un problème et ce n’est jamais très important.
En pratique, comment ça se passe une fois inscrit ?
L’agence reçoit des demandes de la part de clients. Par exemple, une marque de vêtements les contacte, et leur dit qu’ils veulent des filles de 6 ans de plus de 1m20, espiègles et dynamiques. L’agence effectue donc une préselection et envoie aux enfants qui répondent aux critères une proposition de casting.
Les jours et horaires sont fixés, à nous de leur dire ensuite si ça nous convient et si l’enfant pourra s’y rendre.
Si c’est pour le tournage d’une pub vidéo, on vous fournit toujours, avec la demande de casting, le texte que l’enfant devra dire et aussi le script et le scénario s’il y en a un. Il ne devra pas l’apprendre par coeur ! C’est seulement pour se familiariser avec ce qui lui sera demandé. Sur place, il sera aidé.
Vous aurez aussi les dates fixées pour le tournage : De cette façon, vous ne vous rendrez pas inutilement à un casting si vous savez que vous ne pourrez pas aller au tournage ensuite.
Et le casting en lui même ?
Légalement, c’est assez encadré. Le client passe par une agence de casting. L’’agence de mannequin ne travaille pas directement avec eux, mais nous met en relation. En théorie, l’attente d’un enfant au casting ne doit pas excéder 30 minutes. En majorité, ce principe est largement respecté, mais il peut arriver que certains studios soient moins bien organisés et que l’attente soit un peu plus longue.
Quand on arrive (on a généralement RDV dans une tranche horaire), on inscrit son enfant sur la liste d’attente. Les 3/4 du temps, il y a une salle d’attente avec des coloriages, et souvent des bonbons et jus de fruits. On remplit une fiche avec quelques infos : nom, âge, taille, etc. et le nom de l’agence. Quand l’enfant passe, souvent il passe sans son parent : les directeurs de casting veulent qu’il soit naturel et la présence des parents peut fausser l’attitude de l’enfant.
Ensuite, ça dépend beaucoup de la nature de la publicité qui devra être tournée : film ou photos ? Affiche ou catalogue ? Défilé ou figuration ? En fonction de ces critères, on demande à l’enfant au choix de : poser seul ou avec d’autres mannequins (adultes ou enfants), répéter un petit texte, répondre à des questions, rire ou au contraire rester sérieux, essayer une tenue… On sollicite donc beaucoup leur capacité de création et d’adaptation.
Le casting en lui même est toujours très rapide ! Entre 3 et 15 minutes. Généralement en 5 minutes c’est fait.
Et si l’enfant n’est pas retenu ? Ou au contraire s’il l’est ?
S’il n’est pas retenu, c’est simple, vous ne serez pas recontacté. Il ne faut pas être déçu, car ça arrive souvent. C’est plutôt normal.
Quand l’enfant est retenu, c’est simple : son agence vous recontacte et vous dit qu’il est choisi “en option”.
Qu’est ce que ça signifie ? Le client choisi presque toujours 2 ou 3 enfants. Il en a bien un seul en tête, mais les enfants c’est tellement imprévisible qu’il faut une réserve.
L’agence vous rappelle donc les dates de tournage, et s’assure auprès de vous que l’enfant est toujours d’accord. On vous demandera parfois des choses particulières, comme “je vous envoie une photo de la coiffure que le client envisage, est ce que l’enfant se laissera faire ?” (si vous avez une petite fille qui déteste être coiffée, par exemple). Bref, ils sont attentifs à pas mal de détails pour que ça se passe vraiment bien. Vous pouvez à tout moment refuser des choses qui ne vous conviennent pas (couper les cheveux, ou faire de lapublicité pour quelque chose que l’enfant déteste !)
Ensuite, si tout est ok pour vous, le client prend le temps d’arrêter son choix sur un seul enfant. Les autres peuvent être tout de même embauchés, mais ils seront présents seulement au cas où l’enfant choisi en premier lieu soit malade, ou simplement de mauvais poil ce jour là ! Bien sûr, les petits enfants qui sont là en réserve sont payés même s’ils ne tournent pas.
Et le jour J, ça se passe comment ?
Ca dépend beaucoup de la nature du contrat. On arrive à l’heure dite, on s’installe et on signe les papiers (assurance, contrat, droits à l’image, etc.). L’enfant est pris en charge par l’équipe et vous devez être présent au moins en coulisse. Selon l’importance de l’évènement, il y aura une styliste, un maquilleur, coiffeur, et toute l’équipe technique. Souvent, le client est présent lui aussi.
Parfois il n’y a que 3 ou 4 personnes, parfois ils sont au moins 15 !
Légalement, c’est hyper cadré. L’enfant doit avoir des pauses régulières et ne pas travailler plus de 4 heures dans la même journée. Ça peut varier en fonction de l’âge. L’équipe est particulièrement prudente quant au respect des lois liées au travail des enfants donc rassurez vous, votre petit sera soigné aux petits oignons.
Parfois, selon les conditions du tournage, on pourra prendre en charge votre repas, vous loger, vous payer un trajet… Une fois, on avait même insisté pour me commander un taxi ! Ce sont des choses qui font partie de leur budget.
Est ce qu’on peut récupérer les photos, les videos ?
Oui bien sûr ! Mais il faut savoir qu’il y a un temps de post-production à respecter, Un film publicitaire, par exemple, ne sortira que quelques semaines, parfois quelques mois après le tournage. Dans ce laps de temps, vous n’avez pas accès à ce qui a été tourné, c’est logique.
De même, on vous laissera généralement prendre des photos des “coulisses”, mais vous serez tenus de ne pas les divulguer avant une certaine date.
Et financièrement, ça donne quoi ? Comment l’enfant est-il rémunéré ?
Il faut savoir, dans un premier temps, que pour les castings vous n’obtiendrez aucun dédommagement. Donc si vous faites les trajets et donnez de votre temps dans ces moments là, c’est de votre plein gré et bénévolement.
Le contrat qui lie votre enfant à son agence, par contre, prévoit l’ouverture d’un compte à son nom auprès de la caisse des dépôts. Vous n’aurez rien à faire, c’est automatique, et vous n’aurez accès qu’à ses relevés de solde. Cet argent est bloqué jusqu’aux 18 ans de l’enfant. Ce n’est pas un compte bancaire (même s’il y a un taux d’intérêt de 2%), seule l’agence peut y déposer des fonds.
L’agence s’occupe de récupérer l’argent versé par le client, et si je me souviens bien elle vous le reverse dans ces proportions : 10% accessibles immédiatement sur le compte du parent pour le dédommagement (que vous pouvez décider d’utiliser pour l’enfant, d’ailleurs) et 90% bloqués pour le mannequin à la caisse des dépôts.
Il faut savoir que si les castings ne vous rapportent rien, en revanche les enfants mannequins sont vraiment très bien payés quand ils sont engagés. Je n’ai plus les chiffres précis, mais de mémoire c’est entre 500 et 1000 euros pour une publicité photo et environ 1500 euros pour un film publicitaire.
C’est donc vraiment génial pour lui permettre d’avoir quelque chose de côté, plus tard. Bon attention, il ne faut pas compter dessus non plus, mais juste le voir comme un bonus. L’idée première de l’expérience de mannequinat, à mon sens, c’est de s’amuser et de faire des expériences intéressantes. On a déjà refusé des pubs, par exemple, parce qu’il aurait fallu faire la promotion d’un produit qui ne correspondait pas à notre mode de vie, et cela même si ça aurait pu “rapporter”. Mais à chacun de faire en fonction de ce qui le met à l’aise.
Les petits détails bons à savoir :
– Les agences exigent généralement que vous habitiez en ville ou en très proche banlieue. Cela pour deux raisons : que vous soyez disponible rapidement, et que l’enfant ne soit pas soumis à des trajets trop longs.
– Il faut, en tant que parent, être facilement disponible (ou avoir une personne de confiance qui puisse l’être comme un grand parent). En effet, 99% du temps, on vous prévient d’un casting à la dernière minute. En général, ils ont lieu le mercredi ou le samedi quand les enfants n’ont pas école, et vous êtes prévenus presque toujours la veille . Pourquoi ? J’avoue que je ne sais pas trop ! Mais quoiqu’il en soit, c’est important de le savoir parce que tout le monde ne peut pas forcément réussir à s’organiser.
– Les enfants changent beaucoup au fil des mois, il faut donc fréquemment mettre à jour leur dossier. On vous demandera, en fonction de son âge, de fournir de nouvelles photos tous les 3 à 6 mois. Vous pourrez les faire vous même ou aller à l’agence dans leur studio (c’est comme ça que nous faisons, au moins c’est pro).
Il faut aussi penser à leur communiquer tous les changements de taille de vêtement et de pointure, pour éviter que tout le monde perde son temps sur des castings qui ne correspondraient pas au profil de l’enfant.
– Pensez aussi à communiquer tout changement d’image ! Un changement dans la coupe de cheveux ou une dent de devant qui tombe, peut-être un détail parfois très important pour un client qui veut un sourire parfait. Mais cela peut aussi plaire à un autre qui cherche un sourire édenté coquin. Là encore, c’est pour éviter à tout le monde de perdre son temps.
– Enfin, n’oubliez pas d’apporter à manger et à boire, et des jouets !
Nous, on veut vraiment que Charline s’amuse. Parfois, au dernier moment, elle ne veut plus aller au casting, et on respecte cela. Ca ne doit pas être vu comme un travail, mais comme une activité, et ça doit être chouette.
En général, sur place ça se passe très bien, les enfants jouent entre eux et les parents peuvent discuter ensemble. L’équipe du casting est sympa et patiente et ils essaient de faire vite.
Et le syndrôme de la grosse tête, dans tout ça ?
C’est une des premières choses auxquelles j’ai pensé, et finalement c’est un problème que je n’ai jamais constaté.
Ni chez Charline, ni chez les autres enfants qu’on croise. Parfois, on rencontre des enfants exigeants, mais c’est indépendant de leur activité de mannequin, ça se voit bien. Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas, alors les enfants le savent : ils ne sont pas tout-puissants.
J’imagine aussi que ça dépend de la façon dont le parent vit l’expérience. J’ai pu croiser certaines mamans qui avaient l’air de prendre ça très au sérieux, et tirer du succès de leur enfant, des sentiments pas forcément très sains. Mais ça, je pense que ce n’est pas seulement réservé au mannequinat : il y a aussi des parents qui poussent leurs enfants pour un sport, un instrument de musique, des résultats scolaires…
Je crois que peut-être, il faut se demander, avant de se lancer : est ce que je vais être vexé, quand mon enfant ne sera pas choisi ? Comment je vais vivre les castings, les photos ? Si vous pensez que ça va vous stresser, vous mettre la pression ou le trac (et ça peut se comprendre, c’est votre enfant !), essayez de bien y réfléchir avant de vous lancer. Ca ne doit être qu’un jeu.
Pour conclure, on en pense quoi ?
Pour nous, l’expérience est très positive. Charline a fait quelques photos pour des vêtements, et sa meilleure expérience jusque là reste le spot télé pour une marque de yoghourts . Elle y a participé avec 3 autres enfants et elle a appris des tas de choses.
Elle voit ça comme une activité : elle rencontre des gens, des enfants, elle apprend à s’adapter, à repousser ses limites, elle découvre des choses. On visite parfois des endroits très sympa aussi.
Donc même si Charline n’est pas retenue, elle s’en moque : elle a fait un truc sympa, différent à chaque fois. Quand on sort elle adore raconter ce qu’on lui a demandé de faire et comment elle s’en est sortie. Le résultat n’est pas ce qui lui importe : elle ne demande pas si elle a été choisie après un casting par exemple, elle oublie complètement ce détail dès le lendemain. Je pense que si ça devenait un truc qui la préoccupe, on arrêterait, parce qu’on ne veut pas la mettre en situation de compétition ou d’échec.
Et enfin, mais ça c’est un choix très personnel, nous on préfère que la demande vienne de l’enfant. On ne l’a pas inscrite en tant que bébé, par exemple. Et on essaiera d’y inscrire son petit frère seulement si il le souhaite et quand il saura l’exprimer clairement.